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2 – Terminologie de la Révélation selon le Coran

Le présent article constitue le deuxième volet de notre étude consacrée à l’établissement d’une Théologie de la Révélation non spéculative, c.-à-d. uniquement basée sur des données littérales coraniques. Le premier article était destiné en mettre en évidence les différences terminologiques coraniques entre Inspiration et Révélation, cf. 1– Inspiration et Révélation selon le Coran. Nous avons pu alors constater que le terme inspiration/waḥiy avait dans le Coran la même signification générale qu’en français, mais pouvait aussi plus rarement être un quasi-synonyme de révélation. Cependant, cette apparente synonymie ne concerne que le résultat, c.-à-d. le Coran en tant que texte révélé et non pas le processus d’inspiration en tant que tel. De plus, l’inspiration/waḥiy au sens courant suppose que son récepteur est libre d’exprimer, ou non, ladite inspiration selon les termes qui lui semblent adéquats. Il n’y a donc pas nécessairement d’identité stricte entre l’idée inspirée, l’inspiration, et sa formulation par le bénéficiaire. À l’inverse, nous montrerons que selon le Coran, s’agissant de révélation, l’expression du Message reçu est contrôlée et contrainte, le message exprimé par le prophète récepteur est donc conforme au Message délivré par Dieu, cf. – 3 Théorie de la Révélation selon le Coran. Ceci explique que pour qualifier le processus de révélation lui-même l’on retrouve dans le Coran une terminologie de la Révélation spécifique qui, de manière notable, est uniquement constituée de verbes dont certaines significations sont d’ordre néologique.

 

 – Typologie du processus de révélation

La plupart des verbes que nous allons étudier sont polysémiques et le Coran recourt à plusieurs significations pour chacun d’eux. Toutefois, si pour chaque verbe analysé nous envisagerons l’ensemble de ses significations nous ne mettrons en exergue que le sens ayant trait à la Révélation.

1 – Le verbe awḥâ : faire révéler

Comme nous venons de le rappeler, au volet 1– Inspiration et Révélation selon le Coran nous avons étudié le verbe awḥâ et avons mis en évidence que dans un premier temps il est employé selon le sens général que lui connaissaient les Arabes : inspirer. Cette signification est donc aspécifique tout comme l’est son substantif waḥiy : inspiration. Par contre, le Coran lui a aussi conféré une signification néologique : faire révéler, Dieu étant alors toujours l’agent de cette action. En ce cas, le substantif waḥiy aura logiquement pour sens révélation. Plus précisément encore, le verbe awḥâ/faire révéler exprime l’idée que le processus de révélation proprement dit passe par la médiation d’un messager/rasûl intermédiaire, Gabriel s’agissant du Coran. Nous avons mis en évidence cet emploi spécifique coranique à partir du verset référent indiquant que Dieu ne communique avec l’Homme que selon trois modalités : « Il n’est donné à aucun être humain que Dieu communique avec lui si ce n’est par inspiration/waḥiy, ou d’au delà d’un voile, ou qu’Il dépêche un messager afin de faire révéler/awḥâ alors sur Son ordre ce qu’Il veut, car Il est le Sublime, l’infiniment Sage. », S42.V51. La révélation du Coran est ici uniquement représentée par le segment clef : « Il dépêche un messager/rasûl afin de faire révéler/awḥâ alors sur Son ordre ce qu’Il veut ». Cela vaut aussi bien sûr pour les révélations reçues par d’autres prophètes, telle la Thora par Moïse, sans que l’on puisse affirmer que Gabriel soit le messager/rasûl intermédiaire de ces révélations. Nous reviendrons en détail sur les modalités que recouvre l’action de faire révéler/awḥâ au volet central de notre recherche : – 3 Théorie de la Révélation selon le Coran.

2 – Le verbe nazala : établir

En dehors du verbe awḥâ/faire révéler, le Coran fait très majoritairement appel à la racine verbale nazala. Dans les faits, l’on constate qu’il est très rarement fait recours au verbe nazala, plus fréquemment à sa forme II nazzala et, principalement, à sa forme IV anzala. Ceci étant précisé, pour les Arabes la racine verbale nazala signifiait descendre au sens propre : aller d’un point haut vers un point bas, d’où aussi s’abattre sur quelque chose ou quelqu’un, mais ce verbe était essentiellement employé au sens figuré : mettre pied à terre, faire halte, se rendre en un lieu, voyager par étapes, descendre chez un hôte, camper, se fixer en un lieu, s’y établir, champ lexical relevant du mode de vie nomade. De fait, le verbe nazala ne connaît que six occurrences coraniques. En S34.V2 et S57.V4 le verbe nazala se comprend au sens propre : descendre, mais cela ne concerne pas la révélation du Coran. En S37.V177 le verbe nazala est au sens figuré : s’abattre [du haut vers le bas], s’agissant ici d’un châtiment divin. En S57.V16, l’on note l’emploi de nazala au sens métaphorique de descendre : « N’est-il point temps pour les croyants que leurs cœurs s’abaissent humblement devant le rappel de Dieu et ce qui est descendu/nazala de la Vérité/al–ḥaqq » Si le « rappel de Dieu » désigne ici le Coran, « ce qui est descendu/nazala » concerne une entité abstraite : « la Vérité » émanant de Dieu, la descente en question se comprend donc au sens métaphorique. Il en est de même en S17.V105 : «  [le Coran] est descendu/nazala porteur de la Vérité… » Enfin, la sixième et dernière occurrence est la suivante : « Il [ce Message coranique] est certes une révélation graduelle/tanzîl du Seigneur des Mondes que l’Esprit fidèle a établi/nazala en ton esprit/qalb afin que tu sois [ô Muhammad] au nombre des avertisseurs en langue arabe claire. », S26.V192-195. L’on note que le verbe nazala au v193 est employé avec la proposition « bi » : nazala bi-hi [le pronom « hi » représentant le message], ce qui grammaticalement et lexicalement lui confère le sens de fixer, établir, et non plus descendre. Ainsi, s’agissant de l’action du « messager/rasûl » intermédiaire, celui-ci en tant que transmetteur ne descend/nazala pas dans l’« esprit/qalb » du récepteur [Muhammad], mais y fixe ou établit le Message voulu par Dieu, d’où : « l’Esprit fidèle[Gabriel] a établi/nazala [le Message] en ton esprit/qalb ».[1] Ce verset est analysé en détail en notre Théorie de la Révélation selon le Coran lors de l’étude de Gabriel en tant que transmetteur du Message divin. Sur les six occurrences du verbe nazala, seule celle de S2.V193 : nazala/établir est donc en rapport avec la révélation du Coran tout en n’exprimant pas une idée de descente, mais une notion en lien avec une des étapes clef du processus de transmission et d’élaboration du Message divin en l’esprit du prophète-récepteur.  Nous aurons donc constaté qu’avec une grande rigueur terminologique le Coran n’est jamais qualifié de “descente ” ou comme “descendu” du Ciel, il n’est donc pas un livre d’origine céleste ou même l’image d’un Livre céleste,[2] nous le vérifierons au volet consacré à notre Théorie de la Révélation selon le Coran.

Aussi, soulignerons-nous que l’usage du terme nuzûl signifiant littéralement descente en tant que nom d’action ou substantif du verbe nazala, mais pris au sens de révélation [3] s’agissant du Coran est incorrect. Ce terme logiquement non coranique n’exprime que la conception classique anthropomorphique d’un message coranique, voire d’un Coran, qui serait comme descendu physiquement du Ciel tel quel jusqu’à Muhammad, rien de tout cela n’a de fondements coraniques, nous le démontrerons.

3 – Le verbe nazzala : faire révéler progressivement

Il s’agit de la forme II de la racine verbale nazala, elle est rencontrée 62 fois dans le texte coranique. En tant que verbe de mouvement nazzala a valeur factitive et signifie donc en premier lieu faire descendre, sens selon lequel les Arabes l’entendaient, exemples : « Si tu leur demandes : Qui fait descendre/nazzala du ciel l’eau… », S29.V63 ; « Les Gens du Livre te demandent de leur faire descendre/nazzala un livre du ciel… », S4.V153. Contre l’idée même d’une descente quasi physique du Coran que nous avons ci-dessus signalée, l’on trouve le verset suivant : « Les dénégateurs ont dit : Pourquoi ne lui a-t-on pas fait descendre/nazzala le Coran en une seule fois/jumlatan. Il en est ainsi afin de l’établir fermement en ton for intérieur, mais Nous l’avons agencé avec ordre. », S25.V32. La réponse coranique à cette demande des qurayshites récuse donc l’idée d’une “descente” du Coran. Toutefois, un cas particulier est à signaler puisque nous trouvons en S2.V97 le verbe nazzala au sens de faire descendre : « il [Gabriel quant au Coran] le fait descendre/nazzala sur ton esprit ». Ici, le verbe nazzala est employé avec la préposition « ‘alâ/sur » et nous montrons en notre Théorie de la révélation qu’est ainsi indiquée l’étape du processus de révélation correspondant au moment juste antérieur à la pénétration du Message en l’esprit de Muhammad. Le verbe nazzala conserve en ce cas précis son sens premier de faire descendre, car cette opération représente au sens propre le phénomène de descente du Message par Gabriel qui en tant qu’effecteur permet la transition verticale descendante du Message du monde ontologique divin vers le monde ontologique humain, en l’occurrence l’esprit du Prophète. Notons que cet emploi correspond à l’étape juste antérieure à celle signalée précédemment par le verbe nazala : « l’Esprit fidèle[Gabriel] a établi/nazala [le Message] en ton esprit/qalb », S26.V193.

Par ailleurs, les formes verbales de type II associent au fait d’être factitives la répétition de l’action représentée par le verbe. Or, comme nous le mettrons en évidence, le mécanisme de révélation réalise un processus par étapes représenté globalement par l’usage coranique de la forme II nazzala. L’on doit donc considérer que sous cet aspect le Coran recourt de manière néologique au verbe nazzala afin de restituer s’agissant du processus de révélation la notion de faire descendre graduellement, en plusieurs étapes et en ce cas nazzala vaut pour faire révéler graduellement. Pour autant, l’on ne peut pas exclure que soit aussi indiquée par ce même verbe l’idée d’échelonnement de la révélation dans le temps, nazzala signifiant alors faire révéler progressivement. Cependant, il apparaît que l’on ne peut a priori systématiquement établir textuellement et contextuellement cette différence de sens, aussi retiendrons-nous préférentiellement pour le verbe nazzala la traduction faire révéler progressivement, l’idée de progression couvrant à la fois les notions de graduation et de progressivité, ex. : « En vérité, mon seul Maître est Dieu, Celui qui fait révéler progressivement/nazzala l’Écrit/al–kitâb [c.-à-d. le Coran] », S7.V196. Sous cet aspect, l’emploi coranique du verbe nazzala/faire révéler progressivement concerne spécifiquement la révélation du Coran. Une seule exception serait à signaler en S3.V93 où nous lisons : min qabli an tunazzala at-tawra/la Thora, ici tunazzala est le passif troisième personne du féminin singulier de nazzala et il aurait fallu traduire en ce cas par : avant que n’ait été révélée progressivement la Thora. Or, l’on constate l’existence d’une variante de récitation[4] portant tunzala à la place de tunazzala. Selon cette variante, tunzala est l’inaccompli féminin singulier du verbe anzala, ce qui justifie que nous traduisions ainsi : « avant que ne soit révélée la Thora ». L’on peut donc considérer que l’emploi néologique coranique de nazzala est spécifique à la révélation du Coran et suppose une progressivité de ladite révélation, c.-à-d. qu’elle soit effectuée par étapes et stades intermédiaires.

C’est ainsi qu’avec rigueur le Coran désigne sa propre élaboration et constitution par le néologisme tanzîl qui en tant que nom d’action ou substantif de nazzala aurait pour sens révélation progressive. Néanmoins, l’on peut observer que le Coran emploie majoritairement le terme tanzîl en début de sourate, ex. : « Révélation graduelle/tanzîl de l’Écrit [le Coran], en lui nul doute, de la part du Seigneur des Mondes », S32.V2. D’autre part, l’on note que l’emploi adverbial tanzîlan est aussi couplé à celui du verbe nazzala et, puisqu’il n’y a pas de répétition non signifiante dans le texte coranique, ceci amène à rendre préférentiellement le terme tanzîl par révélation graduelle ; « Nous l’avons fait révéler progressivement/nazzala et graduellement/tanzîlan », S17.V106. Le Coran utilise donc deux termes distincts pour désigner la révélation : tanzîl et waḥiy. Le premier nous venons de le souligner qualifie la nature intrinsèque et particulière du phénomène de la révélation du Coran : tanzîl/révélation progressive. Le second nous l’avons précédemment étudié[5] n’est employé que trois fois dans le Coran et qualifie globalement le résultat effectif :  la révélation/al–waḥiy.

4 – Le verbe anzala : révéler

Le verbe anzala est la forme IV de la racine verbale nazala. Avec près de deux cents occurrences, le verbe anzala est le plus usité s’agissant de la révélation du Coran. Cette forme IV a elle aussi valeur factitive tout en reprenant la notion d’intensité de la forme II nazzala. Ainsi, lorsque nazzala vaut pour descendre, anzala signifie alors faire descendre jusqu’en bas, abaisser, ex. : « [s’agissant de la Table dite servie] Dieu répondit : Vraiment, Je vais la faire descendre jusqu’à vous », S5.V115. Lorsque nazzala vaut pour faire révéler progressivement, alors anzala signifie procéder à la révélation jusqu’au terme du processus. En d’autres termes, l’emploi du verbe anzala indique l’achèvement des processus ayant présidé à sa révélation effective. Ceci explique que nous traduisions directement le verbe anzala par révéler au sens de faire connaître ce qui était inconnu, rendre visible ou manifeste puisque, à la différence de la forme II nazzala, ces définitions concernent plus le résultat que le processus, ex. : « Vraiment, Nous t’avons révélé/anzala l’Écrit [c.-à-d. le Coran] en toute vérité », S4.V105. Aussi, le verbe anzala au sens de révéler, c.-à-d. plus précisément l’achèvement du processus d’une révélation, est-il de même employé pour qualifier d’autres révélations que celle du Coran, ex. : « Ceux qui croient en ce qui t’a été révélé/anzala et à ce qui a été révélé/anzala avant toi », S2.V4. Un passage coranique permet d’illustrer les différentes nuances verbales mises en jeu par le Coran telles que nous venons de les examiner, car de manière notable il comporte les trois verbes que le Coran utilise pour s’auto-qualifier en tant que révélation : « En toute vérité Nous l’avons révélé/anzala [le Coran] et il est descendu/nazala porteur de la Vérité […] Nous l’avons fait révéler progressivement/nazzala et graduellement/tanzîlan », S17.V105-106.

L’idée d’aboutissement du processus de révélation connoté par le verbe anzala explique que son substantif inzâl, dont le sens serait ici descente en une seule fois, ne soit pas, de manière remarquable, employé par le Coran pour se qualifier lui-même. Par contre, la théologie islamique en son approche superficielle du processus de révélation utilise régulièrement le terme inzâl comme synonyme de tanzîl, terme coranique dont nous avons vu la pertinence puisque signifiant révélation graduelle.

5 – Le verbe âtâ : donner

La racine verbale atâ signifie venir, se rendre chez et, par extension : apporter, surgir, avoir lieu, etc. Le verbe âtâ en est la forme IV et son sens est plus restreint : donner, au passif : recevoir. Ce verbe connaît de nombreuses occurrences coraniques qui ne sont pas toutes en lien avec la révélation. Cependant, s’agissant de ce que Dieu donne/âtâ aux prophètes et aux Hommes par leur intermédiaire il est donc lexicalement faux de traduire âtâ par apporter et d’un anthropomorphisme impensable lorsqu’il s’agit en particulier d’une révélation. Par rapport aux verbes que nous venons d’étudier, âtâ/donner est aspécifique, il ne qualifie par l’action de révéler, le processus de révélation, mais sert à rapprocher la chose donnée de la notion de don de la part de Dieu sans préjuger des modalités de ce don ni des réceptionnaires. L’on peut donc lire au sujet de la Thora : « Certes, Nous avions donné/âtâ à Moïse la Thora… », S2.V87, mais aussi : « Certes, Nous avions donné/âtâ aux Fils d’Israël la Thora… », S45.V16. Le verbe âtâ n’est donc pas synonyme de révéler, il ne qualifie pas la révélation, mais la relation établie entre Dieu et les Hommes par ce qui est révélé : « Il révéla/anzala la Thora et l’Évangile auparavant en tant que guidée pour les Hommes », S3.V3-4, mais aussi : « … et Nous lui avons donné/âtâ l’Évangile qui recèle guidée et lumière… », S5.V46. Il en est de même s’agissant de qualifier les deux choses principales que Dieu a données au Prophète : « Certes, Nous t’avons donné/âtâ les sept redoublés [la Fâtiha] et le Coran sublime », S15.V87.

6 – Le verbe talâ : transmettre

La racine verbale talâ est fréquente, elle connaît 61 occurrences dans le Coran. Concernant le champ cognitif de la révélation, la principale difficulté est sa triple signification courante :  suivre, lire, réciter, mais aussi raconter.  En effet, le verbe talâ signifie à l’origine suivre quelqu’un en étant derrière lui, d’où lire au sens de suivre ce qui est écrit et, par extension tardive : réciter. L’emploi du verbe talâ au sens premier de suivre est attesté au verset suivant : « Par le soleil et son éclat ; par la Lune qui le suit/talâ », S91.V1-2. Ensuite, en certains versets le sens du verbe talâ est indiscutablement lire : « [ô Muhammad] Dis : Apportez donc la Thora et lisez-la/talâ, si vous êtes véridiques. », S3.V93. Le sens de raconter pour talâ réalise un état intermédiaire entre suivre et réciter, ex. : « Ils suivirent ce que racontent/talâ les diables quant au règne de Salomon… », S2.V102. Voici un verset ou le verbe talâ signifie réciter : « Rien d’autre, les croyants sont ceux dont tremblent les cœurs lorsque Dieu est évoqué, ceux dont la foi s’accroît quand leur sont récités/talâ Ses versets et qui en leur Seigneur placent toute leur confiance. », S8.V2. L’emploi au sujet de Dieu du verbe dhakara/évoquer, remémorer, employé au passif : dhukira et un contexte d’insertion faisant le rappel de vertus que le croyant doit cultiver, vertus déjà révélées dans le Coran, amène l’idée d’une répétition, d’une réitération de « Ses versets », d’où le fait que l’on retiendra présentement pour le verbe talâ le sens de réciter. Un autre exemple témoigne du même sens s’agissant du Prophète : « Tu ne récitais/talâ avant cela [la révélation du Coran que tu reçois] aucun écrit [ici la Thora] et tu n’en écrivais pas de ta main… », S29.V48. La construction met ici en opposition le verbe talâ et le verbe écrire/khaṭṭa d’où le sens de réciter/talâ à retenir préférentiellement à celui de suivre. Cependant, l’on notera que cette situation est antérieure à la révélation du Coran faite à Muhammad. Ceci nous amène à supposer qu’il n’est jamais dit dans le Coran que le Prophète récite/talâ le Coran, ce n’est point sa fonction puisqu’en tant que messager/rasûl il est uniquement chargé, non pas de réciter le Coran, mais bien de transmettre aux Hommes la révélation du Coran. Il nous est possible d’examiner cette hypothèse à partir du verset suivant que nous lirons dans un premier temps selon la traduction standard, c.-à-d. la compréhension classique standardisée : « Voilà ce que Nous te récitons/talâ des versets et de la révélation/adh–dhikr précise/al–ḥakîm [le Coran] », S3.V58. En dehors du sens peu explicite résultant de cette traduction il est clair que, quelles que soient les conceptions que l’on puisse avoir de la révélation, nul à notre connaissance n’a imaginé que Dieu aurait récité le Coran à Muhammad ! Nonobstant, la grande majorité des traductions rendent ici le verbe talâ par réciter… Il est par contre évident que le Coran présente là un emploi néologique cohérent du verbe talâ qui textuellement avec la préposition ‘alâ se comprend par « Nous te les faisons suivre », c.-à-d. parvenir, d’où le sens de transmettre : « Voilà ce que Nous te transmettons/talâ comme versets et sage/al–ḥakîm rappel/adh–dhikr ». Il s’agit bien de la transmission du message de Dieu au messager Muhammad, ce qui représente avec exactitude la révélation opérée. Il est donc cohérent que le Prophète ne soit pas chargé de réciter le Coran, mais de le transmettre/talâ. Il est de même évident que lorsque Dieu est le sujet de ce verbe le sens est impérativement transmettre, ex. : « Ce sont là les versets de Dieu, Nous te les transmettons/talâ en toute vérité et, certes, tu es au nombre des envoyés. », S2.V252. Nous verrons en notre Théorie de la Révélation que lorsque Dieu est l’agent de la transmission cela signifie la transition du Message de Dieu à partir du monde ontologique divin vers celui des Hommes, en l’occurrence l’esprit/qalb de Muhammad. Concernant Muhammad, nous lisons donc : « Transmets/talâ ce dont il t’est fait révélation/awḥâ du Livre [archétypal/umm al–kitâb] », S29.V45. Transmission du message et révélation sont ici clairement liées. Le sens néologique coranique de talâ/transmettre est aussi confirmé par le verset suivant : « C’est ainsi que Nous avons dépêché parmi vous un messager des vôtres [Muhammad], il vous transmet/talâ Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse, vous enseigne ce que vous ne saviez point. », S2.V151. La notion d’enseignement : « il vous enseigne » renforcée par le fait « que vous ne saviez point » relève de la transmission de données inconnues des réceptionnaires et non pas d’une simple récitation.[6] Le Prophète n’est donc pas chargé de réciter la révélation, mais de la transmettre. Dans le Coran, les messagers/rusul transmettent/talâ + ‘alâ la révélation, les Hommes la récitent/talâ. Une exception apparente est à signaler : S98.V2, mais en l’article consacré à la Théorie de la Révélation nous montrerons qu’il ne s’agit pas du prophète Muhammad.

Puisqu’il n’est pas de la fonction des messagers, des prophètes, de réciter les révélations qu’ils reçoivent, mais de les transmettre, ceci justifie qu’avec une grande rigueur terminologique le Coran n’emploie pas le substantif du verbe talâ au sens de réciter, à savoir tilâwa avec donc le sens de récitation. Du reste, une seule occurrence coranique de ce terme est relevée et logiquement elle ne concerne pas le Coran et signifie en réalité lecture : « Ceux à qui Nous avons donné la Bible et qui la lisent/talâ en sa juste lecture/tilâwa, ceux-là sont ceux qui y portent foi… », S2.V121. Contextuellement, il s’agit ici d’une controverse avec les théologiens juifs et chrétiens, le terme al–kitâb, comme au v113 de cette même sourate, vaut donc pour « la Bible ». Si le segment yatlûna-hu ḥaqqa tilâwati-hi se comprenait par : ils la récitent d’une juste récitation, cela reviendrait à réduire la « foi » des réceptionnaires à l’art de la psalmodie. Si ce segment se comprenait par : ils la suivent comme on se doit de la suivre, cela supposerait que chacun possède la juste signification de la Bible. Or, dans le passage coranique en question il a été souligné à plusieurs reprises que les uns et les autres s’opposaient quant à leurs interprétations de « la Bible ». De plus, aucun verset de « la Bible » ne mentionne l’exclusive du Salut, sujet de la présente controverse coranique et pierre d’achoppement entre juifs et chrétiens ainsi que cause du rejet de Muhammad en tant que prophète apportant une révélation. Ainsi, ce segment s’entend-il au sujet des véritables croyants juifs et chrétiens par : ils « la lisent/talâ en sa juste lecture/tilâwa », c.-à-d. ne surinterprètent pas la Bible pour légitimer leurs propres conceptions exclusivistes en matière de Salut de l’âme.

7 – Le verbe ballagha : faire parvenir

La racine verbale balagha a pour signification parvenir à un point ou parvenir à quelqu’un, qu’il s’agisse d’une chose concrète ou abstraite, ex. « … ne vous rasez point la tête tant que ne sera pas parvenue/balagha l’offrande à son lieu d’immolation… », S2.V196. S’agissant de faire parvenir le message du Coran, ce n’est jamais le verbe balagha qui est utilisé, mais la forme II ballagha faire parvenir quelque chose à quelqu’un qui, de manière spécifique, n’est employée que par rapport aux messages révélés, six occurrences seulement, ex. : « [Noé dit] Je vous fais parvenir/ballagha les messages de mon Seigneur et vous délivre bon conseil… », S7.V62. L’action en question est d’ordre oral et, du reste, en arabe l’éloquence orale se dit balâgha. Un exemple s’agissant de Muhammad et de la révélation du Coran : « Ô Messager ! fais parvenir/ballagh ce qui t’est révélé/anzala de la part de ton Seigneur. S’il advenait que tu ne puisses point le faire, alors tu n’aurais pas fait parvenir/ballagh Son message/risâla, mais Dieu te protégera des gens… », S5.V67. Du point de vue terminologique, le Coran distingue de manière cohérente le verbe talâ/transmettre du verbe ballagha/faire parvenir en ce sens que le premier peut être aussi appliqué à Dieu, ex. : « Voilà ce que Nous te transmettons/talâ comme versets et sage rappel », S3.V58, en ce cas ladite transmission concerne une révélation. Quant à ballagha/faire parvenir, ce verbe ne s’applique qu’aux prophètes, les messagers : « ceux [les messagers/rusul] qui faisaient parvenir/ballagha les messages de Dieu… », 33.V39.

Quant au substantif balâgh, 15 occurrences coraniques, il a logiquement pour sens ce qui parvient, d’où du fait de l’aspect oral du champ lexical de balagha et ballagha : une déclaration.[7] De manière précise, le Coran n’emploie le terme balâgh que s’agissant de la Révélation, autrement dit pour qualifier le Message de Dieu qui est parvenu aux Hommes par l’intermédiaire des messagers, ex. : « … Qu’incombe-t-il aux messagers/rusul si ce n’est la claire déclaration/balâgh [de ce qui leur a été révélé] », S16.V35.

8 – Le verbe qara’a : fixer [en l’esprit de Muhammad]  

Il est bien connu que la racine verbale qara‘a a pour sens réciter ou lire, pour autant ce ne sont pas ces significations qui ici nous intéressent particulièrement, mais un autre aspect du verbe qara’a en lien avec les mécanismes de la Révélation. Nous allons examiner ce point, mais dans un premier nous rappellerons donc ce qui semble être la certitude originelle connue de tous :  le verbe qara’a [à l’impératif : iqra’] est censé représenter l’ordre donné au Prophète lorsqu’il reçut la révélation des cinq premiers versets du Coran : « Lis/iqra’ au nom de ton Seigneur qui a créé », S96.V1. Conformément à l’imaginaire collectif, l’impératif iqra’ est adressé par Gabriel à Muhammad avec alors le sens de lire pour la majorité des interprètes et des lecteurs et pour une minorité un peu plus pertinente il signifierait récite. Cependant, nous avons montré en La première révélation du Coran selon l’Islam que le verbe qara’a en ce célèbre verset ne pouvait pas signifier lire. En effet, si l’on validait le fameux récit de la grotte de Hirâ’, l’Archange Gabriel ne peut que demander à Muhammad de réciter ce qu’il vient de lui révéler de la part de Dieu et non pas de le lire. En réalité, ce récit n’est qu’une légende[8]  et le prochain volet de notre recherche : – 3 Théorie de la Révélation selon le Coran mettra en évidence les mécanismes du processus de révélation qui sont sans aucun rapport avec cette description aussi naïve qu’anthropomorphique de Gabriel récitant à Muhammad le Coran. Néanmoins, l’impératif iqra’ en ce verset ne signifie pas non plus « récite », car ce que décrit le Coran quant au processus de révélation réfute de toute manière l’acte physique de Gabriel imprégnant le Prophète par constriction et lui ordonnant par la suite de réciter ce qu’il venait de lui transmettre en le serrant entre ses bras. Nous aurons donc compris que retenir ici le sens de réciter pour qara’a est totalement tributaire du “mythe de la grotte” et de son imagerie tout comme lui donner le sens de lire alimenta plus tard chez les premiers savants l’éloge de la connaissance par l’usage de l’écrit. Cette apologie de la science écrite connaît à notre époque une résurgence tout à fait significative : l’Islam aurait dès l’origine fait l’éloge de la science et serait donc à la fois précurseur et leader en la matière…

Ceci étant, bien que ces 5 premiers versets de la Sourate 96 ne soient pas les premiers versets révélés à Muhammad ils appartiennent sans aucun doute aux toutes premières révélations. Puis, une fois que Muhammad fut investi de sa mission de prophète après qu’il eut reçu les premiers messages révélés il fut nécessairement chargé de les transmettre à son entourage, c.-à-d. Quraysh. Il s’agit donc de la deuxième étape, épreuve, que le Prophète eut à affronter : transmettre de vive voix à ses pairs qurayshites mecquois ce que son Seigneur lui avait révélé, proclamation orale du monothéisme pur face au polythéisme ambiant. Or, si le verbe qara’a a pour signification bien établie le fait de réciter devant quelqu’un ou un auditoire, ce contexte de première transmission du Message et de première confrontation impose de dépasser le sens trop peu connoté du verbe réciter. Aussi, afin de traduire au mieux la situation nous retenons pour qara’a le sens de proclamer que le contexte et l’étymologie justifient, d’où : « Proclame/iqra’ au nom de ton Seigneur, Lui qui a créé », S96.V1. Il s’agit là pour le Prophète d’affronter l’hostilité ambiante qu’il pouvait pressentir de la part de ses compatriotes et de proclamer ce qui lui avait été révélé du message monothéiste du Coran en ces premiers temps. De fait, le verbe qara’a ne peut avoir le sens de proclamer qu’en cette situation et nous ne la rencontrons logiquement qu’en ladite Sourate 96.

Au-delà de cette mise au point destinée à souligner le simplisme avec lequel nos imaginaires et notre mythologie collective envisage le phénomène de la Révélation, concernant donc l’emploi coranique du verbe qara’a par rapport aux processus de révélation, nous rappellerons qu’étymologiquement la racine verbale qara’a a pour sens premier rassembler, réunir des éléments en un point donné. Par exemple, réunir divers écoulements d’eau en un même réservoir, d’où aussi assembler et, par extension, fixer en un point ou un état précis ce qui explique l’emploi de ce verbe pour désigner la fixation d’un embryon dans l’utérus et conséquemment l’absence de règles/qur’un. C’est à partir de ces notions de base que le verbe qara’a en vint à signifier réciter en ce sens que réciter revient à rassembler en sa mémoire des données qui sont auparavant éparses en l’esprit et qui ainsi vont pouvoir être assemblées et émises au point d’élocution. Du fait même que la culture arabe était essentiellement orale, cette primauté a conféré par la suite au verbe qara’a le sens de lire comme en témoignent S17.V14 et S69.V19 puisqu’anciennement l’écriture arabe ne mentionnant ni points diacritiques ni voyelles ne permettait pas de lire un écrit rédigé de la sorte que si l’on en connaissait par avance de mémoire le contenu.[9] L’acte de lire relevait dans les faits de la mémorisation et s’apparentait donc encore à l’acte de récitation. Ce lien entre l’oral, la récitation et le fait de rassembler des éléments de sens, est de même encore présent dans les langues latines pour lesquelles le verbe lire provient du latin legere : recueillir. C’est encore cette notion d’oralité qui explique que qara’a dans les milieux d’études post-coranique signifia enseigner, l’enseignement reposant essentiellement sur la transmission orale et la mémorisation de l’information. Ces données expliquent que le terme qur’ân en tant que nom verbal de la racine qara’a signifie en première intention récitation et il en est systématiquement ainsi dans le texte coranique lorsqu’il est au cas indéterminé, c.-à-d. sans l’article et logiquement toujours à l’accusatif, ex. : « Il m’a été inspiré/awḥâ qu’un groupe de Djinns écouta attentivement et dit : En vérité, nous avons entendu une récitation/qur’ânan admirable… », S72.V1.

Nous l’avons dit, le Coran emploie le verbe qara’a selon deux lignes de sens distinctes. La première, la plus fréquente, au sens de réciter tel que nous venons de l’envisager, ex. : « Aussi, lorsqu’est récité/qara’a le Coran, prêtez-lui attention et faites silence, puisse-t-il vous être fait miséricorde. », S7.V204. La seconde ligne de sens s’appuie sur l’étymologie première du verbe qara’a indiquée ci-dessus : rassembler, réunir des éléments en un point donné, assembler, fixer en un point ou un état précis. Cet usage coranique est spécifiquement consacré à une étape du processus de la Révélation proprement dit : « … lorsque Nous l’avons fixé/qara’a, [c.-à-d. le message en voie de révélation en l’esprit de Muhammad] suis [ô Muhammad] alors sa composition/qur’âna-hu», S75.V18. Ce verset et les deux qui l’encadrent décrivent des étapes fondamentales du processus de révélation et seront donc analysés en l’article – 3 Théorie de la Révélation selon le Coran. L’on peut ici comparer la signification que nous avons mise en évidence avec l’interprétation classique : « Quand donc Nous le récitons, suis sa récitation », traduction standard. Cette compréhension indique alors clairement que Dieu récite le Coran à Muhammad ! Ce genre de situation théologiquement inconcevable résulte directement du fait que l’Exégèse n’a conçu le phénomène de révélation qu’en fonction d’une vision anthropomorphique : le maître enseigne oralement à son élève le texte qu’il doit apprendre par cœur puis à son tour réciter.

Quant au terme qur’ân en tant que substantif du verbe qara’a, lorsqu’il est au cas interminé, sans l’article, qur’ânan, il a pour sens récitation en référence à qara’a/réciter, cf. ex. supra. Quand qara’a concerne le mécanisme de révélation il a donc aussi pour sens composition comme en l’exemple ci-dessus. Lorsqu’il est déterminé par l’article : al-qur’ân et en lien avec qara’a/réciter, il signifie la Récitation. Mais al–qur’ân peut aussi se comprendre par le Recueil quand qara’a vaut pour rassembler, réunir, c.-à-d. le Recueil comprenant les diverses sourates qui le composent. Enfin, al-qur’ân est dans certains cas un nom propre : le Coran. Pour plus d’informations sur le terme qur’ân, voir 4- Terminologie du Révélé.

9 – Le verbe qaṣṣa : faire le récit, conter

La racine verbale qaṣṣa a pour sens premier couper à ras, d’où raccourcir, trancher, ex. : « en vérité le Jugement n’appartient qu’à Dieu. Il tranchera/qaṣṣa en toute vérité… », S6.V57. Par extension qaṣṣa signifie suivre de très près, marcher sur les traces de quelqu’un, ex : « Elle dit à sa sœur [la sœur de Moïse] : Suis-le/qaṣṣa [Moïse] », S28.V11. Cette notion a donné le sens de raconter, conter, c.-à-d. suivre de près le récit d’une chose, d’où faire le récit de, ex. : « Il y a des messagers dont Nous t’avons conté/qaṣṣa précédemment, des messagers dont Nous ne t’avons point fait le récit/qaṣṣa… », S4.V164. C’est en ce sens que le verbe qaṣṣa est principalement employé dans le Coran, mais en aucun cas n’est ainsi désignée la révélation, c.-à-d. le texte coranique en son ensemble, car le Coran n’est ni un récit ni une compilation d’histoires. De fait, le substantif qaṣaṣ/récit qualifie seulement certaines narrations qui ont été révélées au Prophète, le meilleur exemple en est la Sourate relatant le récit de Joseph : « Nous te contons/qaṣṣa le meilleur récit/qaṣaṣ », S12.V3. Le verbe qaṣṣa tout comme son substantif qaṣaṣ relèvent eux aussi de l’aspect oral de la révélation, non pas que le Coran soit révélé oralement à Muhammad, mais bien que par suite sa transmission aux Hommes soit fondamentalement orale. Ceci explique que dans le Coran qaṣaṣ, outre le sens de récit, narration, puisse avoir aussi le sens d’exposé, ex. « Certes, c’est là un exposé/qaṣaṣ véridique, et il n’y a point d’autre dieu que Dieu ; Dieu est vraiment le Tout-puissant, l’infiniment Sage. », S3.V62.

10 – Le verbe ḥaddatha : rapporter

Comme les verbes précédents, ḥaddatha est du registre de l’oralité. La racine verbale ḥadatha connote l’idée d’évènement nouveau, un fait qui vient de se produire, et sa forme II ḥaddatha signifie rapporter, c.-à-d. relater de manière précise une chose qui vient de se produire. S’agissant de Muhammad et du Coran, nous n’en trouvons qu’un seul exemple : « Ainsi, le Bienfait de ton Seigneur tu rapporteras/ḥaddatha », S93.V11. Il s’agit ici en un temps précoce de l’apostolat du Prophète de rapporter, relater à son entourage ce qu’il a reçu comme révélations coraniques, révélations qualifiées ici de « Bienfait ». Quant au substantif ḥadîth, 28 occurrences coraniques, ce terme signifie étymologiquement évènement, ce qui vient de se produire, fait nouveau, ex. : « …Qu’ont-ils donc ces gens-là à ne pouvoir comprendre le moindre évènement/ḥadîth », S4.V78. De manière plus générale, le terme ḥadîth a aussi le sens de ce qui est dit au sujet de, d’où rapport, propos ex. : « Dieu, point d’autre dieu que Lui. Certes, Il vous rassemblera au Jour de la Résurrection sur lequel point de doute, et qui est plus véridique que Dieu en propos/ḥadîth », S4.V87. Ceci explique que le terme ḥadîth ait aussi la signification d’histoire, au sens de récit des évènements, ex : « L’histoire/ḥadîth de Moïse t’est-elle parvenue ? », S20.V9. L’emploi du mot ḥadîth dans le Coran n’est pas à confondre avec la signification technique tardive qui a été donné à ce terme pour désigner les propos ou les dits attribués au Prophète ou les évènements dont la somme constitue les recueils de hadîths. Inversement, il est donc erroné de supposer que le Coran ferait mention des hadîths pour en condamner l’usage, l’on cite souvent à ce sujet le verset suivant : « Ce sont là les versets/âyât de Dieu, Nous te les transmettons/talâ en toute vérité.[10] À quel autre évènement/hadîth après Dieu et Ses versets auront-ils foi ? », l’évènement en question est ici logiquement la révélation faite à Muhammad. Les hadîths sont la source incontestable de l’Islam et mésinterpréter ce type de versets pour affirmer que le Coran serait en lui-même un texte suffisant pour construire une religion n’a pas de sens. L’on peut par contre réfuter sans difficulté l’argumentaire classique affirmant que le rôle de Muhammad en tant que fondateur du Hadîth et donc de l’Islam est attesté dans le Coran.[11]

11 – Le verbe kallama : communiquer

Ce dernier verbe a plus d’importance d’un point de vue théologique qu’il en a concernant le processus de révélation proprement dit. La racine verbale kalama a pour sens blesser et le même verbe en hébreu signifie insulter, humilier, outrager, ce qui laisse à penser qu’à l’origine kalama/blesser s’entendait pour les Arabes au sens figuré. De fait, ce verbe n’est pas retrouvé dans le Coran. C’est encore l’idée d’une blessure au sens figuré qui a dû conférer en un premier temps le sens de proférer à la forme II kallama puis, par atténuation : parler, prononcer, adresser la parole. Sur les 20 occurrences coraniques de kallama, certaines ont effectivement cette signification neutre, ex. : « Il [Jésus] parlera/kallama aux gens en son berceau et à l’âge adulte et il sera au nombre des vertueux. », S3.V46. Un verset témoigne d’une acception plus globale : « Ton présage [ô Zacharie] sera que durant trois jours tu ne pourras communiquer/kallama avec les gens que par gestes. », S3.V41. Le sens plus général de communiquer pour kallama est ici pertinemment puisqu’il ne s’agit plus de langage articulé, de paroles, mais d’une communication non verbale. Cette signification a de l’importance dès lors qu’il s’agit de Dieu, rappelons notre verset référent[12] : « Il n’est donné à aucun être humain que Dieu communique/kallama avec lui si ce n’est par inspiration, ou d’au delà d’un voile, ou qu’Il dépêche un messager afin de faire révéler alors sur Son ordre ce qu’Il veut, car Il est le Sublime, l’infiniment Sage. », S42.V51. Puisqu’il est fait allusion en ce verset à trois modalités de communication : inspiration, d’au-delà d’un voile et par révélation, toutes trois des modalités indirectes, l’on ne peut donc retenir pour le verbe kallama le sens direct de parler, mais bien le sens large de communiquer, signification qui ne présage pas des moyens employés pour parvenir à établir ledit transfert d’informations. Si Dieu communique/kallama indirectement avec les Hommes, c’est donc qu’il ne leur parle pas, ce qui évite de sombrer dans un anthropomorphisme plus ou moins assumé et dont on sait qu’il a grevé la théologie islamique ainsi que sa conception de la Révélation.

Ceci nous amène à examiner S4.V164, une occurrence coranique fort célèbre et objet d’antiques et âpres controverses théologiques dès lors que le verbe kallama y est compris et traduit par parler, ex. : « Allah a parlé/kallama à Moïse de vive voix/taklîman », traduction standard, mais l’on trouve aussi : « Dieu parla vraiment à Moïse » ; « Il lui a parlé directement » ; « Dieu a réellement parlé à Moïse ». Toutes les traductions de ce segment reflètent l’opinion exégétique et théologique qui prévaut, à savoir : Dieu a parlé à Moïse comme Zayd parle à Umar et, classiquement, une telle conception renvoie à l’épisode dit du Buisson ardent. Or, ce récit est repris cinq fois dans le Coran, mais pour évoquer ce prime échange entre Dieu et Moïse le verbe employé n’est précisément pas kallama, mais nâdâ, ex. « Lorsqu’il y arriva, il [Moïse] fut appelé/nâdâ », S27.V8, et idem en S20.V11 ; S28.V30 ; S28.V46. La forme III nâdâ a pour sens appeler, héler, interpeller, crier à quelqu’un, champ lexical relevant en apparence de la parole articulée. Cependant, puisqu’ici le locuteur est Dieu, le Coran précise la signification ontologique réelle de ce verbe : « Lorsqu’il y parvint, il fut appelé/nâdâ : Ô Moïse ! C’est Moi, ton Seigneur. Ôte tes sandales, car tu es dans la Valée sanctifiée de Ṭuwâ. C’est Moi qui t’ai choisi, prête donc attention à ce qui est inspiré/awḥâ », S20.V11-13. Nous comprenons donc que lorsqu’il est dit “Dieu a parlé” à Moïse à cette occasion ce ne fut pas de vive voix, ce qui est parfaitement en accord avec S42.V51 cité ci-dessus, verset selon lequel il est expressément indiqué quant à la première modalité de communication de Dieu envers Sa créature qu’« Il n’est donné à aucun être humain que Dieu communique/kallama avec lui si ce n’est par inspiration/waḥiy ». Dieu ne parla donc pas directement à Moïse, mais communiqua avec lui par voie d’inspiration. Cependant, cette inspiration dû revêtir une forme impérieuse, comme une voix qui résonne en nous, une pensée qui s’impose en nous et à nous puisqu’il est précisé à ce sujet kallama allâhu mûsâ taklîman. La locution kallama taklîman relève en arabe un intensif, d’où notre « intelligiblement »[13] pour taklîman et la traduction suivante : « Dieu communiqua/kallama avec Moïse intelligiblement/taklîman », S4.V164. Le verbe kallama lorsque le sujet est Dieu et l’allocutaire les Hommes a donc pour signification certaine communiquer et non pas parler. Ceci justifie aussi que le verbe kallama/communiquer soit aussi employé au sujet d’autres prophètes : « Ces messagers, Nous les avons distingués les uns des autres. Parmi eux, il en fut avec qui Dieu communiqua/kallama », S2.V253.

Théologiquement, à moins de sombrer dans le plus inconvenant des anthropomorphismes l’on ne peut concevoir d’organes de phonation divins. La “Voix de Dieu”, la “Parole de Dieu” ne sont donc que des métaphores et, de plus, si Dieu parlait ici-bas à un homme ou une femme cela signifierait qu’Il se manifesterait directement en notre réalité. Or, si tel était le cas, l’expression de Dieu serait aussi foudroyante que ne l’est la vision de Son Essence. En effet, en S7.V143 nous lisons le récit suivant : « Puis, quand Moïse parvint à Notre rendez-vous et que son Seigneur communiqua/kallama avec lui, il en vient à dire : Seigneur ! Fais-Toi voir, que je Te contemple !  Il répondit : Tu ne saurais Me voir ! Cependant, regarde la montagne et, s’il advenait qu’elle puisse rester immobile à sa place, alors tu Me verrais. À peine son Seigneur se manifesta-t-Il à la montagne qu’elle en fut pulvérisée et que Moïse tomba foudroyé. Lorsqu’il revint à lui, il s’écria : Gloire à Toi ! Je suis revenu vers Toi ! Je suis le premier à y porter foi ! » L’énoncé coranique est précis : Dieu ne se manifesta qu’à « la montagne » et non pas « Dieu se manifesta », car en ce cas c’eût été toute Sa création qui aurait disparu, et Moïse avec. À cet instant, « la montagne » s’en trouve « pulvérisée/dakka », non pas que Dieu la réduisit Lui-même en poussière, comme l’affirme naïvement la théologie standard, mais du fait que lorsque Dieu se manifeste à Sa création, celle-ci ne peut Lui coexister. Si la Création ne peut subsister lorsque Dieu y manifeste Son Essence, c’est donc que la Création est une émanation créatrice de l’Essence divine et que lorsque cette dernière se dévoile, la Création ne peut Lui coexister. Il y a donc bien impossibilité ontologique d’une manifestation double de l’unique entité de Dieu, tout dévoilement de l’Essence de Dieu implique que toute réalité manifestée, hormis la Sienne, seule Réalité intangible, soit annihilée. Autrement formulé, ceci renvoie à l’impossibilité ontologique de coexistence entre la Réalité divine et les réalités matérielles en tant qu’émanations de l’Essence divine. Comme confirmation a contrario il suffit de rappeler que Dieu n’apparaîtra à ces Créatures qu’après qu’Il eut anéanti la Création, cf. par exemple la séquence finale de la Sourate 39, vs67-75. Il ne pourrait donc qu’en être de même si l’on admettait que Dieu se manifesterait ici-bas par Sa parole. Ceci explique à nouveau qu’il soit dit : « Il n’est donné à aucun être humain que Dieu communique/kallama avec lui si ce n’est par inspiration, ou d’au delà d’un voile, ou qu’Il dépêche un messager afin de faire révéler alors sur Son ordre ce qu’Il veut, car Il est le Sublime, l’infiniment Sage. », S42.V51. Il en est ainsi de la vision de Dieu comme du fait d’entendre Sa “Voix“, ces deux choses sont en l’Ici-bas des impossibilités ontologiques. Comme nous l’avons mis en évidence s’agissant du fait que Dieu ne parla pas directement à Moïse, mais communiqua/kallama avec lui, la “Parole/Voix” de Dieu n’est donc qu’une métonymie dont la modalité indirecte relève de l’inspiration/waḥiy. Nous reverrons ce point théologique important au volet 4 de notre étude du phénomène de Révélation : 4 – La “Parole” de Dieu selon le Coran et en Islam.

Nous ajouterons que l’emploi constant dans le Coran du verbe dire/qâla construisant les dialogues semblant directs entre Dieu et divers acteurs coraniques n’est qu’un procédé rhétorique et sémantique destiné à imager la communication divine, laquelle en ces cas-là se rapporte toujours à des inspirations divines reçues par eux. À nouveau l’intratextualité prouve ce que la raison déduit. En effet, en S2.V60 nous notons le recours au verbe dire/qâla dont Dieu est le sujet : : « Et aussi, alors que Moïse cherchait de l’eau pour son peuple et que Nous dîmes/qâla : Frappe la roche de ton bâton ! ». Or, en S7.V160, pour la même scène le verbe dire/qâla est glosé par le verbe awḥâ au sens d’inspirer : « Nous les avions répartis en douze tribus nombreuses et Nous inspirâmes/awḥâ à Moïse quand son peuple lui demandait de l’eau : Frappe de ton bâton la roche ! » Nous avons là un indice formel du fait que lorsqu’il s’agit d’une communication de Dieu adressée à Ses prophètes ou à des êtres humains le verbe dire/qâla très fréquemment usité doit se comprendre par inspirer. Cette observation confirme le fait que Dieu ne parle jamais aux Hommes, mais qu’Il communique avec eux selon trois modalités dont la première est l’inspiration.

Enfin, l’on retrouve dans le Coran pour la forme II kallama trois substantifs : kalâm ; kalima ; kalim. Le terme kalâm est un générique qui vaut pour le singulier ou le pluriel et signifie discours, mot, propos, idiome. Le terme kalima, que le Coran emploie au singulier et au pluriel kalimât, signifie parole, mot, terme et verbe en ce sens-là. Quant au terme kalim, il est soit un autre pluriel de kalima soit un collectif de mêmes significations. Du fait des enjeux théologiques majeurs autour du concept de « Parole/kalâm de Dieu » compris classiquement comme désignant le Coran en tant donc que “Parole” de Dieu, nous étudierons l’emploi coranique de ces termes au volet 5 : La “Parole” de Dieu selon le Coran et en Islam. Le concept de Parole de Dieu/kalâmu–llâh pour désigner le Coran ou plus largement la Révélation ne reflète qu’une compréhension limitée et anthropomorphique du phénomène de révélation. Il convient de préciser que ce n’est pas une réflexion par rapport à la Révélation proprement dite qui a amené à cette approximation, mais les controverses tardives avec les théologiens chrétiens. En effet, ces dernières ont conduit à rapprocher le terme kalâm du paradigmatique logos et conséquemment à concevoir le concept de « Parole de Dieu incréée » en opposition au Verbe de Dieu [logos/kalâm] incarné en la personne de Jésus. En quelque sorte une inlibration versus une incarnation. Au moment coranique, la locution kalâmu–llâh est donc seulement une métonymie désignant le Message/risâla coranique. Selon le Coran, Dieu n’est pas un dieu parlant, mais un Dieu communiquant.

Ainsi, du fait que nous venons de montrer clairement que le verbe kallama avait pour sens communiquer et non pas parler, Dieu ne parlant pas aux Hommes, mais communiquant avec eux, cf. S42.V51 supra, nous pouvons dès à présent écarter le sens de kalâm au sens concret de parole/paroles. Par contre, il est tout aussi évident qu’en fonction de l’usage spécifique du verbe kallama au sens de communiquer, nous pouvons en déduire que selon la même logique coranique kalâm a pour signification communication. Le trop galvaudé syntagme kalâmu–llâh signifie donc : communication de Dieu, ce qui est théologiquement correct et sera vérifié par l’exposé méthodique de l’ensemble du processus de révélation au volet 3 : Théorie de la Révélation.

 

• Conclusion

Cette étude exhaustive aura mis en évidence le recours coranique à une riche terminologie relative à la Révélation, onze verbes au total que nous rappelons dans l’ordre de présentation :

1- Le verbe awḥâ : faire révéler

2- Le verbe nazala : établir

3- Le verbe nazzala : faire révéler progressivement

4- Le verbe anzala : révéler

5- Le verbe âtâ : donner

6- Le verbe talâ : transmettre

7- Le verbe ballagha : faire parvenir

8- Le verbe qara’a : fixer [en l’esprit de Muhammad]

9- Le verbe qaṣṣa : faire le récit, conter

10- Le verbe ḥaddatha : rapporter

11- Le verbe kallama : communiquer

– Les significations qu’en cette étude nous avons retenues représentent le choix terminologique coranique en lien avec la révélation, ces verbes ayant par ailleurs des significations plus générales, ex. qara’a signifie aussi rassembler, réciter ; talâ signifie aussi suivre, lire ; awḥâ signifie aussi inspirer ; nazzala signifie aussi faire descendre, etc. L’on en déduira en premier lieu que tant l’Exégèse que les traductions n’ont pas réellement perçu les nuances coraniques et les réduisent à quelques faux synonymes. Cette situation est dommageable dès lors que l’on s’intéresse, non pas à l’apparence des choses ou au résultat : le Coran en tant que texte, mais à la nature des processus ayant présidé à sa révélation et à la phénoménologie de la Révélation. Il est donc évident que nous retrouverons la précision d’emploi de ces verbes lors de du volet 3 consacré à notre Théorie de la Révélation.

– Par ailleurs, ces verbes peuvent être classés selon un rapport bidimensionnel. Ceux traduisant la verticalité du phénomène de révélation à partir du Monde ontologique de Dieu jusqu’au monde ontologique de l’Homme : anzala : révéler ; awḥâ : faire révéler ; nazzala : faire révéler progressivement ; nazala : établir ; qara’a : fixer. S’agissant de la Révélation, c’est donc avec rigueur que dans le Coran seul Dieu est logiquement sujet, acteur, de ces verbes. Puis viennent les verbes représentant la phase horizontale de la révélation : ceux dont Dieu seul est sujet : kallama : communiquer ; âtâ : donner. Ceux dont Dieu et les prophètes-messagers peuvent être sujets : talâ : transmettre ; qaṣṣa : faire le récit, conter. Ceux qui ne concernent que les prophètes messagers : ḥaddatha : rapporter ; ballagha : faire parvenir. Cette typologie fournit une première indication du parcours entre le point d’origine de la Révélation et son point d’arrivée, cf. 3 –Théorie de la révélation.

– L’on peut aussi relever que le Coran a employé certains de ces verbes de manière néologique, les déplaçant de leurs significations courantes afin de parvenir à exprimer en l’état de la langue arabe les mécanismes présidant au phénomène de révélation, nous les retrouverons donc en l’étude consacrée à notre Théorie de la Révélation :  anzala : révéler ; awḥâ : faire révéler ; nazzala : faire révéler progressivement ; kallama : communiquer ; talâ : transmettre.

– De manière cohérente, pour qualifier ce qui tient de la révélation le Coran n’a recours qu’aux substantifs des verbes suivants :

waḥiy : inspiration, substantif de awḥâ au sens de faire révéler

– tanzîl : révélation graduelle, substantif de nazzala au sens de faire révéler progressivement

balâgh : déclaration, substantif de ballagha au sens de faire parvenir

qaṣaṣ : exposé, substantif de qaṣaṣa au sens de faire le récit de

ḥadîth : propos, substantif de ḥadattha au sens de ce qui est dit au sujet de

kalâm communication, substantif de kallama au sens de communiquer

qur’ân : composition, substantif de qara’a au sens de composer

Cette synthèse de la terminologie de la Révélation reflète la précision coranique. Le Coran se décrit de la sorte en autoréférentialité non pas en tant que résultat : le texte coranique, mais afin de fixer un cadre exprimant les différentes nuances du processus de Révélation perçue depuis notre monde ontologique. C’est donc au prochain volet consacré à l’analyse des mécanismes présidant à la révélation d’un message divin : 3 – Théorie de la Révélation que nous constaterons que le Coran fournit de manière aussi surprenante que rigoureuse les éléments permettant de pénétrer intimement le phénomène de révélation expliqué à partir du Monde ontologique divin.

Dr al Ajamî

[1] Du fait même de l’opération indiquée, le terme qalb/cœur/esprit se comprend alors nécessairement au sens sémite de siège de l’activité cognitive : l’esprit.

[2] C’est donc à tort que l’on qualifie traditionnellement le Coran de kitâb samâwî/Livre céleste, cette image quelque peu simpliste confère au Coran une sacralité fondamentale tout en permettant de faire l’économie d’une véritable théorisation du processus de révélation. Cette prétendue origine céleste a pour autre “avantage” de permettre une impasse majeure sur la genèse du texte coranique et donc sur son inscription dans l’Histoire.

[3] Notamment dans la très connue discipline exégétique dite des asbâb an–nuzûl : les causes/asbâb ou circonstances de la révélation/nuzûl. Pour notre critique de ces sources extracoraniques, cf. Circonstances de révélation ou révélations de circonstance ? ; asbâb an–nuzûl.

[4] Pour notre critique et classification de ces variantes coraniques, cf. Variantes de récitation ou qirâ’ât. Présentement, nous avons là un exemple de variante induite au détriment de la cohérence terminologique coranique. Au demeurant, cette variante semble probablement voulue que pour des raisons d’ordre rythmique est assonanciel.

[5] Cf. 1–Inspiration et Révélation.

[6] Notons qu’il est dit des allocutaires du message coranique qu’ils n’avaient aucune connaissance du sujet abrahamique, ce qui remet en cause les thèses actuelles supposant que le milieu arabe de réception du Coran devait nécessairement être au fait des diverses religions.

[7] Rappelons que le mot déclaration est emprunté au latin classique declaratio : action de montrer, manifestation.

[8] Ce récit forgé à partir d’emprunts bibliques par az-Zuhrî ibn Shihâb n’est effectivement qu’une fiction comme nous l’avons démontré en La première révélation du Coran selon l’Islam.

[9] Sur des précisions techniques sur cette écriture consonantique, voir : Le Coran de Othman – mythe ou réalité ?

[10] Le sens de ce segment est sûr, car il est identique à celui de S2.V252 donné en un contexte plus explicite.

[11] Sur ce point, voir : La Sunna selon le Coran et en Islam, fonction et mission du Messager.

[12] Cité en début d’article et analysé principalement en 3 –Théorie de la Révélation.

[13] Est intelligible ce qui peut être distinctement perçu, clair et accessible sans qu’il s’agisse strictement du seul usage de l’ouïe.